Version du cautionnement civil ou commercial, côté cambiaire, l’aval est un engagement cambiaire donné par une personne (appelée donneur d’aval, avaliste ou avaliseur) qui garantit l’exécution de l’engagement d’un débiteur.
Il est très largement utilisé dans les TPE-PME, pour lesquelles les établissements bancaires requièrent dans 99% des cas, des garanties personnelles du dirigeant, de type cautionnement.
L’aval peut être donné au profit de toute personne obligée par les liens du change et ainsi garantir l’engagement du tiré accepteur, du tireur, d’un endosseur, d’un autre avaliseur.
Même si ces deux notions ont des points communs, la fonction première de l’aval est différente de celle du cautionnement dans la mesure où elle garantit le paiement d’une lettre de change, d’un chèque ou d’un billet à ordre et non le remboursement d’un prêt.
En droit cambiaire, on veut aller vite et efficacement, c’est le royaume de l’inopposabilité des exceptions.
Pas question de s’encombrer des mentions manuscrites du cautionnement qui pourraientt gêner ou ralentir la circulation du titre cambiaire.
Le formalisme probatoire de l’article 1326 du Code civil, applicable au cautionnement n’a donc pas ici sa place (CA Versailles, 12e ch., 19 nov. 1992, Vas c/ Sté Rasoir, D. 1993, I.R., p. 24).
L’article L. 512-4 du Code de commerce renvoie à l’article L. 511-21 du Code de commerce relatif à la lettre de change pour le régime juridique de l’aval.
Une simple signature de l’avaliste sous la mention fatale « bon pour aval », apposée au dos du billet et à ordre, et voilà notre chef d’entreprise qui offre en gage l’intégralité de son patrimoine et de ses revenus à son créancier.
Il ne reste plus qu’à espérer que le signataire ait bien pris conscience de la portée de son engagement.
Force est de constater que ce n’est pas souvent le cas, puisque la notion même d’aval, bien peu galvaudée, reste généralement inconnue des dirigeants qui déclarent ne pas savoir qu’il s’agit d’une garantie personnelle et solidaire.
Une difficulté particulière naît de l’absence d’indication de qualité du signataire du billet lorsqu’il s’agit d’un aval donné par un dirigeant social.
La Cour de cassation considère justement que le gérant est avaliste à titre personnel et non en tant que représentant de la personne morale car celle-ci ne peut être à la fois souscripteur et avaliseur, (Cass. com., 4 janv. 1994, n° 91-17.628; Cass. com., 7 avr. 1987, n° 85-14.624).
L’aval, est donc une sorte de cautionnement non protégé par le Code civil et le Code de la Consommation
Alors que cautionnement et aval emportent les mêmes dangers patrimoniaux pour le garant qui s’engage, l’avaliste n’est pas alerté par les mentions manuscrites, exigées ad validitatem par les articles L 341-2 et 3 du Code de la consommation, à propos d’un cautionnement.
La seule locution « bon pour aval », suffit à engager les biens et revenus du dirigeant avaliste.
L’aval, même s’il s’avère disproportionné, échappe donc également au contrôle strict des tribunaux exercé au visa de l’article L 341-4 du Code de la consommation :
« Alors d’une part que, l’aval, en ce qu’il garantit le paiement d’un titre dont la régularité n’est pas discutée constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles propres du droit du change, de sorte que l’avaliste n’est pas fondé à rechercher la responsabilité de la banque pour violation de l’article L. 341-4 du code de la consommation ; qu’en affirmant que l’article L. 341-4 du code de la consommation qui visait l’engagement d’une personne physique sans distinction avait vocation à s’appliquer à l’avaliste d’un billet à ordre tenu comme caution solidaire, la cour d’appel a violé l’article L. 341-4 du code de la consommation » (Cass. Com 19 décembre 2013, n° 12-25.888).
L’avaliste ne pourra pas non plus formuler de prétentions sur le fondement du devoir de mise en garde du banquier, qui ne l’aurait pas suffisamment informé de la portée de ses engagements. Sa nécessaire qualité de professionnel averti, puisqu’il souscrit un mécanisme cambiaire, fait obstacle à la mise en cause de la responsabilité civile de la banque.
La seule défense possible demeure, au stade de l’exécution des poursuites uniquement, le recours à l’article 1415 du Code civil, applicable à l’aval depuis un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 4 février 1997 : « en l’absence du consentement exprès de son conjoint à l’aval d’un billet à ordre, un époux ne peut engager les biens communs par une telle garantie » (Cass. Com 4 février 1997 n°94-19908).
Ainsi, en matière d’aval, point de salut, le rouleau compresseur est en marche et rien ne peut l’arrêter.
L’avaliseur est obligé, à l’égard du porteur et engage donc l’intégralité de son patrimoine qui lui sert de gage.
Une juste réforme en cours
Face à ce constat particulièrement inéquitable, notre cabinet a participé à l’élaboration d’un projet de loi, adopté par l’Assemblée Nationale en séance publique du 12 février 2015.
Il est donc proposé de renforcer l’information du donneur d’aval, en l’obligeant à formaliser la rédaction de l’aval, qui comporterait une mention obligatoire explicite lui permettant de bien mesurer la garantie prise sur ses revenus et sur ses biens personnels. Cette mention permettra d’attirer son attention sur le fait qu’il engage ses biens propres et son patrimoine par sa signature.
Tel est l’objet de cet amendement entraînant une modification de plusieurs articles du code de commerce. http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/2498/AN/789.asp
Pour la bonne administration de la justice et une vraie égalité entre les dirigeants qui souscrivent des garanties personnelles, nous espérons que le texte de l’amendement passera le cap du Sénat.
Sabine VACRATE
Avocat
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