Le dirigeant de droit est investi des prérogatives attachées au mandat social et apparait au KBIS puisqu’il engage la personne morale à l’égard des tiers.
Il endosse la responsabilité pénale, sociale, patrimoniale, civile et fiscale découlant de ses obligations et de son statut.
Toutefois, le dirigeant de fait s’expose aux mêmes sanctions par son comportement et la gestion active de la société.
N’étant ni nommé ni désigné, le dirigeant de fait est forcément qualifié à postériori par le juge.
Cette qualification se caractérise par l’exercice en toute liberté et indépendance, seul ou en groupe, de façon continue et régulière, d’activités positives de gestion et de direction engageant la société (Cass. com. 25-1-1994 n° 200; Cass. com. 12-7-2005 n° 1238 ; Cass. com. 10-1-2012 n° 10-28.067.).
En l’absence de réglementation légale, c’est la jurisprudence qui pose les grands principes qui prévalent en la matière, la notion relevant de l’appréciation souveraine de la juridiction saisie.
Elle examinera la réalité des faits pour retenir ou non l’existence d’un dirigeant de fait, au travers d’un faisceau d’indices :
- Délimitation du pouvoir exercé en pratique : signature bancaire, de documents commerciaux et administratifs.
- Apparence à l’égard des tiers (de bonne foi) : relation avec la clientèle et les fournisseurs, les salariés, les partenaires…
Il ne faut donc pas imaginer que seul le dirigeant de droit est responsable puisqu’il est désigné dans les statuts et apparaît au KBIS.
Même si le dirigeant de fait n’est pas le représentant légal, il expose sa responsabilité dès lors qu’il exerce un réel pouvoir de gestion dans la société et qu’il est apparu à l’égard des tiers, comme le décideur et/ou le gestionnaire.
Ce principe ne cède devant aucune circonstance : peu importe que le dirigeant de fait soit rémunéré ou non, associé ou pas, qu’il exerce un rôle technique en sa qualité de salarié …
La direction de fait n’est pas l’apanage des personnes physiques, les personnes morales son également concernées et peuvent faire l’objet d’une telle qualification, notamment lorsqu’il s’agit d’étendre des responsabilités intra-groupe au regard de la situation de dépendance dans laquelle une société-mère place les filiales du groupe par exemple.
La jurisprudence est abondamment nourrie de ces espèces qui aboutissent à faire supporter à une société, le poids de la responsabilité financière de sœur ou fille, résultant de dommages causés à l’environnement, de la survenance d’une procédure collective ou de licenciements de ses salariés.
La notion d’indépendance des personnes morales composant le groupe s’efface alors délicatement au profit de la reconnaissance tacite d’un principe de responsabilité collective ou de « personnalité morale du groupe de sociétés ».
Ce principe est le fruit d’une lente construction prétorienne qui aboutit parfois de manière parcellaire à une légalisation, comme la loi sur le grenelle de l’environnement.
La qualification de dirigeant de fait est alors le véhicule et le préalable nécessaire au succès de l’objectif poursuivi.
Quant aux conséquences de la qualification, point de surprise en la matière, elles sont fâcheuses.
D’emblée, on constatera que les responsabilités des deux dirigeants ne sont pas forcément exclusives l’une de l’autre et peut résulter d’une action de concert entre les deux personnes.
Le dirigeant de fait exerce alors une activité positive de gestion aux côtés du représentant légal.
Ce dernier peut également exercer ses pouvoirs « sous le couvert et au lieu et place du représentant légal » (Cass.Crim.12/09/2000).
La gestion dommageable de la société peut tout aussi être attribuée au dirigeant de fait, en ce cas le dirigeant de droit n’est qu’un « homme de paille ».
Lorsque le cumul de responsabilité est constaté, le statut de dirigeant de droit ne dresse aucun écran et n’empêche pas de rechercher la responsabilité du dirigeant de fait.
A contrario, l’existence d’un dirigeant de fait ne constitue pas une cause d’exonération de sa propre responsabilité.
En revanche, en présence d’un dirigeant de fait, les juges vont souvent engager la responsabilité du dirigeant de droit puisqu’il n’aura pas su assumer sa responsabilité et ses pouvoirs propres.
C’est souvent en cas de survenance d’une procédure collective, redressement ou liquidation judiciaires, que la qualification de dirigeant de fait est recherchée.
Le cas échéant, ce dernier peut être poursuivi en comblement de passif pour des fautes de gestion lui étant imputables personnellement et ayant contribuées à constituer ou aggraver le passif ou l’insuffisance d’actif.
Se pose alors la question du cumul des fondements avec la responsabilité issue de l‘application des 1382 et 1383 du Code civil.
Si le principe est celui du non cumul, la chambre commerciale a estimé le 7 mars 2006 que le cumul des actions est possible dès lors que l’action fondée sur le droit commun est justifiée par des faits antérieurs au jugement d’ouverture.
Les tribunaux devront alors caractériser un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers, résultant d’une faute du dirigeant séparable de ses fonctions.
Ainsi, endosser la gestion de fait d’une société est une situation à haut risque dans le sillage de laquelle, épouse, membres de la famille ou amis du dirigeant se trouvent souvent entrainés.
Le dirigeant de paille, quant à lui, qui a voulu rendre service en prêtant son nom pour contourner l’incompatibilité ou l’interdiction de gérer du maître de l’affaire, n’est guère mieux loti.
Finalement, il n’échappera plus à personne que le mandat social et la représentation d’une personne morale à l’égard des tiers est un véritable nid de responsabilités, d’obligations et de devoirs.
Les sanctions pénales, patrimoniales, civiles, pénales et fiscales sont souvent prononcées avec beaucoup de sévérité et la chambre des sanctions n’est pas en reste sur ce point.
Cabinet Sabine VACRATE
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