Lors d’un précédent billet (disproportion du cautionnement : la banque ne doit pas se tromper de sujet), nous évoquions la question de la prise en compte par la banque des perspectives que l’opération garantie permettaient raisonnablement d’envisager.
A cette occasion, nous relevions la réponse qu’y donnait la haute Cour par deux arrêts de principe, rendus le 4 juin 2013.
Elle prononçait alors la déchéance du cautionnement en raison de sa disproportion par rapport aux revenus et patrimoine du garant en affirmant que « la proportionnalité de l’engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l’opération garantie » (Cass. Com., 4 juin 2013, n° de pourvoi: 12-15518).
Cette sage position devait être chaudement saluée dès lors qu’elle consacrait, à n’en point douter, une appréciation pragmatique des obligations de la banque en la matière : le créancier doit vérifier que le cautionnement est proportionné à ce qui existe lors de l’engagement et non à ce qui pourrait exister hypothétiquement en cas de succès de l’opération financée.
Au visa de ce dispositif, nous rebondissions naturellement sur la conséquence logique qui en découlait concernant la comptabilisation de la valeur des parts sociales détenues par la caution dans le capital du débiteur principal.
Nous déplorions alors que la Cour de Cassation n’ait pas encore formulé expressément le même constat puisque la valeur des parts sociales n’est que le reflet du succès escompté de l’opération garantie et que par hypothèse, elles n’auront plus aucune valeur si la caution est appelée en garantie lorsque le débiteur principal est défaillant.
Il y aurait ainsi autant d’incohérence, pour apprécier le caractère proportionné ou non de l’engagement, à prendre en compte de tels revenus espérés ou probables que la valeur des parts sociales, dont on sait par hypothèse qu’ils auront tous deux disparu si la caution est appelée.
Toutefois, s’il n’est pas apparu utile à la Cour régulatrice d’affirmer ce qui va de soi, l’énoncé de ce qui va sans dire eut été particulièrement apprécié afin d’exclure clairement et définitivement tous les espoirs de gain aléatoires de l’appréciation de la proportion de l’engagement de la caution, et précisément la valeur des parts sociales.
Pourtant, les occasions d’affirmation de cette logique imparable ne manquent pas la Cour de Cassation venant de confirmer une nouvelle fois que le bénéfice escompté de l’opération garantie ne doit pas être pris en compte pour apprécier la proportionnalité de l’engagement de la caution (Cass. Com. 22 septembre 2015 n° 14-22.913).
Il est donc à la fois constant et fermement établi que seules les capacités financières de la caution doivent être prises en compte pour apprécier la proportionnalité de l’engagement, à l’exclusion de la viabilité de l’opération principale garantie.
C’est d’ailleurs sur ce même principe que la première chambre civile décidait en conséquence que la connaissance par la caution de la situation de l’entreprise qu’elle dirigeait et de ses possibilités d’évolution, est un critère inopérant pour apprécier la disproportion de l’engagement (Cass. Civ 1ère, 15 janvier 2015 n° 13/23489).
Nous attendons toujours que cette solution soit clairement affirmée concernant les parts sociales dont la valeur est manifestement et directement rattachée à la viabilité et au succès espéré de l’opération principale.
Sabine VACRATE
Avocat
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