En offrant son cautionnement, la caution accepte incontestablement le risque d’avoir un jour à assumer la dette d’un tiers, dans l’hypothèse où ce dernier ne satisferait plus à ses propres obligations.
Tel est l’objet et l’esprit de cet engagement, marqué par un aléa inévitable pesant sur la tête de la caution.
Mais quid si la caution s’est trompée, ou a été trompée, sur la situation financière du débiteur auquel elle a apporté son soutien ?
Le droit vient-il au secours de la caution qui découvre après-coup que la solvabilité du débiteur n’était pas ce qu’elle pouvait imaginer au moment où elle s’est engagée, laissant présager le pire pour elle ?
Bien sûr, il n’est pas question ici de la solvabilité future du débiteur, incertaine par nature, et contre laquelle le cautionnement a précisément pour objet de garantir le bénéficiaire à l’acte.
Car, si en effet, la caution a bien accepté dans son principe même le risque d’avoir à assumer la défaillance à venir de son protégé, à défaut d’avoir eu connaissance de sa situation au moment de s’engager, elle n’a pas pu apprécier de manière éclairée l’intensité du risque encouru.
Les Tribunaux sont ainsi régulièrement saisis de recours tendant à faire annuler les cautionnements, pour cause d’erreur sur la solvabilité du débiteur garanti, sur le fondement de l’article 1110 du Code civil.
L’erreur se définit comme représentation inexacte de la réalité ou, plus exactement, une représentation inexacte de l’objet de l’obligation, à défaut de laquelle la personne dont le consentement est vicié n’aurait pas contracté.
Pour être constitutive d’un vice du consentement, l’erreur doit donc avoir porté sur un élément substantiel du contrat, ayant conditionné l’engagement de la caution.
Dès lors, l’erreur commise par une personne sur les motifs personnels, les mobiles qui l’ont conduite à contracter, dès lors que ces motifs restent extérieurs à l’objet du contrat, est exclue du domaine de l’article 1110 du Code civil car elle est purement personnelle à celui qui la commet, l’autre partie n’ayant pu savoir que cette circonstance psychologique a déterminé son cocontractant à s’engager. Une telle erreur est indifférente et n’entraînera pas l’annulation du contrat.
Autrement dit, même si l’erreur peut, en théorie, vicier le consentement de la caution, celle-ci devra démontrer qu’elle a fait de la solvabilité du débiteur la condition de son engagement au moment où elle l’a signé (Cass. com. 11-1-1994 n° 91-17.691: RJDA 6/94 n° 693 ; Cass. com. 1-10-2002 n° 00-13.189 : RJDA 2/03 n° 187).
Une telle preuve a été rapportée à l’occasion d’un très récent arrêt rendu par la Cour de Cassation (Cass. com. 19 mai 2015 n° 14-10.860 (n° 453 F-D), Sté CIC Est c/ B, ayant prononcé la nullité de l’engagement souscrit par une caution pour erreur.
Dans cet arrêt, les juges, après avoir rappelé que l’annulation du cautionnement suppose que la caution ait fait de la solvabilité du débiteur une condition déterminante de son engagement et qu’elle ignorait la situation réelle du débiteur lorsqu’elle s’est engagée, ont relevé que le comportement particulièrement prudent de la caution au moment de la signature de l’acte, qui avait cherché à connaître avec précision la situation économique et financière de la société, établissaient sa volonté de ne s’engager qu’avec l’assurance que la situation comptable de la société était saine et que si la situation de la société était irrémédiablement compromise plus de trois mois avant la signature du cautionnement, elle n’avait été révélée définitivement que par le rapport établi cinq mois après cette signature.
A côté de l’erreur sur la solvabilité du débiteur garanti, la jurisprudence admet également l’erreur de la caution sur l’existence ou l’efficacité d’autres sûretés bénéficiant au créancier (Civ. 1re, 1er juill. 1997, D. 1999. 181 ; Civ. 1re, 5 févr. 2009, no 07-17.853 ).
En effet, bien souvent, l’existence d’autres garanties offertes au profit du créancier, va rassurer la caution, car du fait du mécanisme de la subrogation, ces sûretés ont vocation à lui profiter dans l’hypothèse où elle en réglerait le créancier en lieux et place du débiteur garanti.
En effet en vertu de l’article 2306 du Code civil, la caution se trouve subrogée dans les droits du créancier, et peut donc se prévaloir des autres garanties que le créancier aurait prises afin de maximiser ses chances de paiement.
Toutefois, à nouveau, il appartiendra à la caution de démontrer que l’existence et l’importance de ces sûretés étaient un motif déterminant de son engagement.
Sabine VACRATE
Avocat
17 avenue du Général de Gaulle
94160 Saint-Mandé
01 43 28 77 07