Doit-on voir dans l’entreprise du législateur l’amorce d’un régime de responsabilité plus clément pour le dirigeant ?
Nous savons que les dirigeants d’une société en liquidation judiciaire peuvent être condamnés à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif, s’ils ont commis une ou plusieurs fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance (C. com. art. L 651-2, al. 1).
Convenons que le critère « d’insuffisance d’actif » peut s’avérer particulièrement inique pour le dirigeant.
La formule « poursuite d’une activité déficitaire » est vide de sens tant il existe d’activités déficitaires non fautives : celle de la « start-up » en phase de lancement, celle de l’entreprise qui met en place un plan de restructuration ou celle de l’exploitation qui développe son activité sur un marché lui-même en déclin.
Or, le constat d’un résultat déficitaire place les dirigeants dans une situation inextricable : déposer le bilan immédiatement pour éviter toute sanction ou poursuivre une activité qu’ils pensent viable à terme, au risque de se voir reprocher sa poursuite ?
Constatons en conséquence l’incongruité de la formule puisque le déficit est le principal symptôme de l’entreprise en difficulté.
Le nouveau dispositif législatif tente-il de résoudre la difficulté en se calant davantage sur les réalités de terrain ?
L’article 146 de la loi 2016-1691 du 9 décembre 2016 (dite « loi Sapin 2 ») a complété ces dispositions en précisant qu’en cas de simple négligence dans la gestion de la société la responsabilité du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif ne peut pas être engagée.
Ainsi, pour toute procédure collective ouverte depuis le 11 décembre 2016, le dirigeant simplement négligent ne peut plus être condamné au comblement du passif social (CA Versailles 7 novembre 2017 n° 17/04229).
L’avenir nous le dira mais la rigueur de la position adoptée par la Cour d’Appel de Versailles, se prononçant sur la date d’application de la loi laisse présager peu de clémence à l’égard du dirigeant.
En effet, la loi Sapin 2 ne comportant pas de disposition spécifique pour l’entrée en vigueur de son article 146, la Cour d’Appel aurait pu considérer que la loi était entrée en vigueur le lendemain de sa publication et juger que la simple négligence ne peut plus engager la responsabilité du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif depuis le 11 décembre 2016.
Sabine VACRATE
Avocat
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