Ce billet a pour objectif de rappeler le principe fondamental selon lequel le cautionnement ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté (C. civ. art. 2015) !
Le cautionnement illimité, autrement appelé « tous engagements » ou caution omnibus, engage le dirigeant pour les concours présents et futurs et vient garantir toutes les dettes que le débiteur a ou pourra avoir envers un créancier.
Ce cautionnement est valable alors même que les dettes qu’il est appelé à couvrir sont encore virtuelles au jour de la régularisation de l’engagement.
La validité de la garantie omnibus est subordonnée à :
– La limitation de la durée de l’engagement.
– La limitation du montant garanti.
– L’identification des dettes garanties : l’acte doit notamment préciser leur nature et la période au cours de laquelle elles ont pris naissance.
De la formulation du cautionnement omnibus
La jurisprudence exerce contrôle les cautions omnibus rédigées en des termes trop larges, ayant le mauvais goût d’attraire toutes sortes de dettes dans l’assiette du gage du créancier.
Le rétablissement de la commune intention des parties ayant présidé à la souscription de l’engagement revêt alors une grande importance.
On recherche donc dans la formulation des termes utilisés dans l’acte, la révélation de cette intention commune.
- C’est pourquoi que le cautionnement portant sur les dettes d’une société ne saurait être étendu à ses filiales, quand bien même elles auraient fait l’objet d’une procédure collective commune ( com. 25-11-1997 n° 336).
- Il a également été jugé que le cautionnement des sommes « dues » par la société ne couvrait pas les dettes nées après la date de l’acte de cautionnement ( com. 11-5-1993 : n° 941), ne couvrant que les dettes nées avant (Cass. com. 11-2-2014 n° 13-10.408).
- De même, le cautionnement de tout ce que le débiteur pourrait devoir à une banque « pour quelque cause que ce soit », garantit uniquement les dettes directement contractées par le débiteur envers la banque et non le paiement d’une lettre de change tirée sur le débiteur et présentée par un tiers à l’escompte de la banque (CA Lyon 14-2-1956 : D. 1957; CA Paris 1-3-1971 : D. 1971.335, Cass. com. 12-5-1992 : n° 742 ; Cass. com. 9-7-2002 n° 1415).
Du solde débiteur d’un compte-courant débiteur garanti par une caution omnibus en cas de procédure collective
La particularité d’un compte-courant est d’entraîner la fusion des remises réciproques faites par le titulaire du compte et la banque.
Ainsi, les créances inscrites dans un compte courant perdent leur individualité et fusionnent en un solde provisoire.
La créance se fond alors dans le compte dont les opérations forment un tout indivisible qu’il n’est pas permis de décomposer (CA Montpellier 11-2-1964 : JCP G 1964.II.13649).
L’inscription en compte d’une créance se fait donc de plein droit au jour de sa remise et vaut paiement de cette dernière.
Ce paiement entraine son extinction, quelle que soit la position provisoire du compte (Cass. com. 7-6-1994 ; Cass. com. 13-9-2016 n° 15-12.936) et la disparition des sûretés qui l’assortissent
Conséquence du redressement judiciaire sur le fonctionnement du compte courant :
Les créances inscrites au compte au jour du redressement judiciaire sont éteintes par compensation légale de plein droit avant le jugement d’ouverture (Cass. com. 5-12-1995 : n° 368 ; CA Paris 20-6-2003 n° 02-13707).
Selon ce principe très ancien, dès lors que la convention de compte courant est antérieure au jugement d’ouverture, les dettes d’une partie doivent être inscrites au compte, même si cette inscription est postérieure au jugement, car elle est l’exécution d’une convention de compensation in futurum licite (CA Rouen 24-4-1948 : JCP G 1948.II.4464).
Exigibilité du solde du compte à la seule clôture :
L’indivisibilité rend indisponible les créances entrées en compte jusqu’à la clôture du compte, la saisie du solde provisoire est donc interdite pour le créancier.
Même en cas de redressement judiciaire, le solde provisoire n’est pas disponible et le créancier ne peut demander au débiteur le règlement de sa créance jusqu’à la clôture du compte.
C’est seulement la clôture du compte courant qui permet d’arrêter le solde et donc de prononcer la déchéance du terme à l’égard de la caution.
Etant précisé, que contrairement à la liquidation judiciaire, le jugement de sauvegarde ou de redressement judiciaire ne rend pas exigible les créances non échues à l’égard du débiteur et de sa caution, de sorte que le solde débiteur du compte courant ne devient pas exigible du fait de l’ouverture de la procédure.
Autrement dit, le solde provisoire du compte courant généralement déclaré par les banques à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne permet pas de prononcer la déchéance du terme à l’égard de la caution et de la poursuivre en paiement.
Nous pouvons déjà poser un postulat certain : la clôture du compte qui permet de dégager un solde exigible est la condition préalable de la poursuite de la caution par le créancier (Cass. Com., 16 avril 1996, n°94-14250 ; Cass. Com., 3 janvier 1995, n°90-19832 ; Cass. com. 19-3-1996 n° 958).
Dénonciation de l’engagement de caution omnibus et clôture du compte :
Il est fréquent que l’administrateur judiciaire ou le juge commissaire ordonne le maintien du compte courant de la société mise en redressement.
Si le compte a continué à fonctionner après le jugement d’ouverture et donc n’a pas été clôturé définitivement, la caution ne peut être poursuivie (Cass. com. 3-1-1995 n° 490).
Pour autant, la situation n’est pas réglée car se pose la question des règles d’imputation des paiements intervenus après résiliation du cautionnement omnibus et avant clôture du compte courant.
La Haute Cour a posé le principe que toutes les sommes créditées au compte après résiliation du cautionnement viennent en diminution du solde provisoire débiteur du compte, qui peut ainsi se trouver effacé au fil des remises, même si le solde provisoire reste débiteur (Cass. Com., 27 novembre 1972 n° 71 10 745 ; Cass. Com., 1er juillet 2003, n° 00 16 591).
La période allant de la résiliation du cautionnement à la clôture effective du compte permet la liquidation des opérations en cours selon règles suivantes :
– toute remise au crédit du compte se rapportant à une opération en cours, c’est-à-dire figurant au différé du compte au jour de la clôture du compte, fût-elle postérieure à la date d’expiration du cautionnement, s’impute sur le montant de l’engagement de la caution (Cass. com. 12-5-1998 n° 1158)
– les parties peuvent décider conventionnellement d’écarter la prise en compte de telle ou telle remise (Cass. com. 18-2-2003 n° 298 n° 1013) ou une affectation spéciale de la remise à condition que cette affectation soit demandée avant l’entrée en compte de la créance considérée (Cass. com. 3-7-2012 n° 11-19.476).
C’est donc la clôture définitive du compte entre les parties, ayant manifesté une approbation commune sur l’ensemble du compte d’une façon définitive et inconditionnelle (Cass. civ. 21-5-1959 : D. 1959.526 ; Cass. civ. 17-7-1984 : Bull. civ. I p. 199) qui permet de dégager un solde exigible à la charge de la caution.
Sabine VACRATE
Avocat
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