Lors d’un précédent billet, nous évoquions les conséquences attachées au revirement jurisprudentiel fermement opéré par la Cour de Cassation en matière de location financière, au travers des arrêts rendus par la chambre mixte de mai 2013 (Cass. Ch. Mixte, 17 mai 2013, n°11-22.927 et n°11-22.768).
Les attendus très clairs, indiquant que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération de location financière sont interdépendants, étaient tous suivis d’effets par une jurisprudence foisonnante des cours et tribunaux (Cass. Com., 9 juillet 2013, n° 11-14371 ; Cass. Com., 24 septembre 2013, n°12-25103 ; Cass. Com., 4 novembre 2014, n° 13-24.270,
Cass. Com, 2 décembre 2014, n° 13/22962 ; CA LYON, 4 décembre 2014 ; CA AIX EN PROVENCE, 2 avril 2015, n°14/07734 ; CA BORDEAUX, 30 janvier 2015, n°12/01998 ; CA PARIS, 6 février 2014 n°12/07298).
L’application massive de cette solution a permis de régler radicalement le sort particulièrement inéquitable du locataire, contraint de s’acquitter des loyers portant sur le matériel financé par les bailleurs alors qu’il dysfonctionne ou que le fournisseur a cessé ses prestations de maintenance du fait de sa liquidation judiciaire, prononcée en général sans poursuite d’activité.
Le cas échéant, la résiliation du contrat de fourniture entraîne automatiquement dans son sillage la nullité ou la caducité du contrat de location financière (CA PARIS, 3 juillet 2015 n° 13/07336 ; Cass.com, 7 juillet 2015, n° 1418052).
C’est dans ce contexte que la Cour d’appel de Paris, le 22 janvier dernier, a été amenée à réaffirmer le principe de l’interdépendance dans une espèce impliquant la liquidation judiciaire du fournisseur et l’arrêt de ses prestations :
« Considérant que l’impossibilité, pour INTRASYS – dont GE Capital admet qu’elle n’a pas été en mesure de poursuivre l’exécution des contrats de prestations par suite de son placement, le 7 janvier 2009, en liquidation judiciaire, de maintenir l’installation en état de fonctionnement – ôtait tout intérêt à poursuivre l’exécution du contrat de financement » (CA PARIS, 22 janvier 2016, 12/20965)
A l’occasion de cette réaffirmation, la Cour d’Appel a mis un terme au débat portant sur la possibilité pour le client de parer aux carences contractuelles de son fournisseur par la recherche d’un nouveau prestataire à ses frais.
Argument très souvent relayés par les bailleurs, soucieux de contester la résiliation du premier contrat.
Faisant écho à la Cour de Cassation qui rejetait clairement cet argument dans son arrêt du 7 juillet 2015, la Cour d’Appel de Paris motive de plus fort son débouté : « sans que puisse utilement être opposée la possibilité de rechercher un autre intervenant pour la maintenance, le cocontractant n’ayant en l’espèce aucune obligation de nover ; qu’eu égard à l’indivisibilité des deux conventions, et par suite de la résiliation du contrat d’abonnement de maintenance, le contrat de location est devenu sans cause ».
La règle est donc posée sans détours, le client qui n’a aucune obligation de nover, qui plus est à ses frais, n’a aucune obligation de rechercher un nouveau prestataire pour remplacer son cocontractant défaillant, placé en liquidation judiciaire.
Cette décision doit être particulièrement saluée sur ce point.
Mais surtout, la Cour d’Appel de PARIS étend clairement la solution de l’interdépendance aux contrats de crédit-bail mobilier.
Jusque-là, la doctrine s’interrogeait sur le point de savoir si les arrêts de la chambre mixte étaient limités aux seules opérations de location financière ou si on pouvait en déduire que le crédit-bail mobilier, notamment, entrait dans le champs d’application.
Le Cour d’Appel de PARIS vient de répondre par l’affirmative.
Sabine VACRATE
Avocat
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