L’hypothèse n’est pas isolée.
On retrouve souvent en matière de baux commerciaux, la remise par le locataire d’un chèque non daté en guise de garantie, improprement dénommé « chèque de caution », au bailleur.
En principe dédié à garantir le paiement des loyers, des indemnités d’occupation ou les dégradations des lieux objets du bail, le chèque est souvent détenu longtemps par le bénéficiaire sans être encaissé.
Les parties se sont en effet entendues pour que le chèque ne soit pas encaissé à l‘émission mais uniquement en cas de survenance d’évènements qui fondent la garantie.
Attention ! aucun dispositif du droit bancaire n’interdit au bailleur de présenter le chèque en paiement. L’encaissement du chèque est parfaitement régulier et valable.
En revanche, à la faveur d’un litige opposant les deux parties, le locataire habile, pensant bloquer les velléités de son bailleur, opposera le chèque.
Cette opposition au paiement est une interdiction de payer adressé par le tireur du chèque à la banque, le tiré.
Il faut alors bien retenir que si l’opposition est un droit qui appartient au tireur, son exercice est encadré strictement par des conditions légales : elle ne peut avoir lieu qu’en cas de vol, de perte ou d’utilisation frauduleuse du chèque (manœuvres frauduleuses du bénéficiaire).
En conséquence, l’émetteur d’un chèque qui fait opposition au paiement pour un motif illicite, doit prendre garde, car il s’expose à des poursuites pénales.
L’opposition frauduleuse est en effet punie par l’article L 131-35 du Code monétaire et financier qui sanctionne le téméraire par 5 ans d’emprisonnement et 375.000 € d’amende.
La peine complémentaire n’est pas en reste puisqu’il d’agira alors d’une interdiction d’émettre des chèques pour une durée de 1 à 5 ans.
Mais surtout, le bailleur pourra obtenir la main levée de l’opposition en référé, dans le délai d’un an à compter de l’expiration du délai de présentation du chèque, si le chèque est daté.
Lorsque le chèque de garantie n’est pas daté, la main levée de l’opposition peut également être obtenue.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation estime en effet, le cas échéant, que le bénéficiaire, en portant le chèque à l’encaissement lui a conféré l’usage de chèque de garantie qui lui était conventionnellement destiné par les parties (Cass. com., 22 septembre 2015, n° 14-17.901).
Finalement, il ne faut faire opposition que si on est en droit de le faire car un chèque opposé n’est jamais le bon moyen pour bloquer un paiement en cas de litige ou de contentieux en cours.
Tel serait pris qui croyait prendre !
Sabine VACRATE
Avocat
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