Les dirigeants sont-ils toujours protégés par le régime de responsabilité limitée aux apports des associés ?
Si le terme est largement galvaudé, la pratique des procédures collectives montre que la locution a tout de même ses limites et que le mandataire social, encourt une responsabilité financière et patrimoniale personnelle lorsqu’il commet des fautes de gestion durant son mandat et que la société dépose le bilan.
En effet, les dirigeants ne peuvent être condamnés à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif que s’ils ont commis une ou plusieurs fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance (art. L 651-2, al. 1).
Sur ce point, il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que le dirigeant de fait a les mêmes obligations et encourt les mêmes responsabilités que le dirigeant de droit, même si son nom n’apparait pas au KBIS.
Que la faute soit légère, ou résulte d’une imprudence ou d’une négligence, elle peut entraîner la mise en cause de sa responsabilité.
La faute peut-être objectivement constatable, comme la non-conformité avec la législation en vigueur, mais peut parfois être plus subjective, exigeant une appréciation souveraine des magistrats.
C’est le cas notamment, de la prise de décision inopportune durant le mandat ayant entraîné une baisse de l’actif ou une augmentation du passif social.
Il faut alors tracer la frontière improbable entre la plénitude des pouvoirs de gestion du dirigeant, justifiée par l’exercice des prérogatives attachées à son mandat, et la limite à ses obligations.
Comment trancher entre une attitude passive qui confine à l’inertie, constitutive d’un grief en cas de procédure collective, et l’acharnement du dirigeant à sauver sa société et qui peut tout autant lui être reproché lorsque cet entêtement retarde la déclaration de cessation des paiements ?
Le tryptique probatoire, existence d’une faute de gestion, préjudice social et lien de causalité entre faute et insuffisance d’actif, qui incombe aux magistrat sanctionnateurs, suffit-il à encadrer le comblement de passif ?
La littérature jurisprudentielle est un bon curseur :
– le retard dans la déclaration de cessation des paiements s’apprécie en fonction de la date fixée par le jugement d’ouverture de la procédure collective ou par la décision de report en arrière (Cass. com. 4-11-2014 n° 13-23.070). Attention aux inscriptions de privilèges trop antérieures de la DCP.
– le fait pour le dirigeant d’une société, d’avoir tenu une comptabilité fictive qui faisait apparaître au bilan de la société un passif treize fois inférieur au passif réel (CA Paris 26-6-2007 n° 06-17930)
– Parfois, c’est un faisceau d’indices et non un grief seul qui fonde la sanction comme le fait de n’avoir pas accordé toute son attention à la gestion d’une entreprise naissante et d’avoir compté sur le soutien des banques pour se constituer une trésorerie (Cass. com. 11-6-1991)
– le fait pour le dirigeant d’une société d’avoir poursuivi abusivement l’activité sociale largement déficitaire et irrémédiablement compromise dans le seul but de tenter de récupérer les fonds qu’il y avait investis (Cass. com. 12-7-2011 n° 09-72.406. Les tribunaux recherchent alors si l’entêtement du dirigeant s’est avéré préjudiciable aux créanciers (CA Paris 17-6-2014 n° 13/14287).
– la distribution de dividendes importants peut susciter également le débat si la société était en difficultés ou accusait une perte comptable ou des dettes significatives, surtout si elles sont de natures fiscales ou sociales (CA Paris 8-4-2014 n° 13/06822).
Notons que le respect des règles du droit des sociétés suscite une vigilance accrue des magistrats, alors même qu’elles étaient, pour certaines, laissées à l’abandon et peu coutumières de sanctions.
Tel fut récemment le cas du défaut de consultation des associés en cas de perte de la moitié du capital social (CA Paris 22 octobre 2015 n° 14/26208, ch. 5-9, D. c/ SELARL Archibald ès qual. ; Cass. com. 13 octobre 2015 n° 14-15.75).
Les mandataires sociaux encourent donc une responsabilité importante au regard de leurs actes de gestion et le fait qu’en l’absence de définition légale de la faute de gestion, les tribunaux apprécient au cas par cas en fonction des circonstances propres à chaque affaire, montre que le risque est d’autant plus important puisqu’il dépend de la seule appréciation souveraine des juges du fond.
N’hésitez pas à consulter un avocat spécialisé.
Sabine VACRATE
Avocat
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