Le financement locatif est une opération tripartite liant une entreprise ou un professionnel, qui sera le futur locataire, à un fournisseur et un bailleur.
Le matériel est commandé au fournisseur qui le livre au locataire et facture le bailleur.
Le bailleur loue le matériel au locataire pour une durée et un loyer convenus, en général sur 21 trimestres, reconductible par tacite.
A la différence de la location financière, le contrat de crédit-bail prévoit dès l’origine la faculté pour le locataire d’acheter le matériel (« option d’achat ») à la fin du contrat pour un prix déterminé.
Matériel bureautique, de vidéosurveillance, site internet …sont en général financés selon ce mode opératoire.
Ainsi, coexistent au sein de l’opération de location financière, deux contrats :
- Le client a souscrit un contrat de prestation et de maintenance avec le fournisseur.
- Il a également signé un contrat de location financière pour la même durée avec un bailleur financier.
Ces deux contrats qui ont la même durée et le même objet sont liés bien que signés séparément.
Que peut alors faire le locataire, lié de manière irrévocable auprès de son bailleur, lorsque le prestataire n’exécute plus ses obligations ou fait l’objet d’une procédure collective ?
Il se retrouve ainsi privé de la jouissance d’un matériel qui ne fonctionne plus alors qu’il demeure contraint de continuer à régler les loyers jusqu’à la fin de la période contractuelle.
La solution consistant à demander la résiliation du contrat de location financière sera vite écartée en pratique tant elle s’avère ruineuse pour le client.
En effet, le cas échéant, il sera tenu de régler les frais de résiliation correspondants au reliquat des loyers restant dus jusqu’au bout du contrat, en général majoré d’une indemnité de 10 %.
Lorsque malheureusement la liquidation judiciaire du prestataire intervient en début de contrat, l’addition sera plus que salée et la plupart des clients ne pourront s’en acquitter qu’au prix de leur propre déconfiture.
Fort heureusement, la Cour de Cassation est venue consacrer définitivement le principe de l’interdépendance des contrats souscrits au sein d’une opération de location financière, qui était jusque-là débattu en jurisprudence.
Par les arrêts, fort remarqués de la chambre mixte du 17 mai 2013, elle précise de manière non équivoque que : « Les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ; sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance. » (Cass. Ch. Mixte, 17.05.2013, n°11-22.927 et n°11-22.768.
Ces décisions ont été relayées par la chambre commerciale (Cass. Com., 9 juillet 2013 n° 11-14371, Cass. Com., 24 septembre 2013, n°12-25103 ; Cass. Com, 2 décembre 2014, n° 13/22962).
La jurisprudence n’opère aucune distinction lorsqu’il s’agit de location financière sans maintenance intégrée, c’est dire que le montant des loyers n’inclut pas le coût de la maintenance.
Mais surtout, par un arrêt du 4 novembre 2014 (Cass. Com., 4 novembre 2014, n° 13-24.270), la Cour de Cassation estime que le contrat de prestations est le contrat principal sans lequel le contrat de location financière, considéré comme accessoire, ne pourrait subsister.
Elle affirme également que la liquidation judiciaire du prestataire ne suffit pas à elle seule à entraîner la caducité du contrat de location financière, le client devra donc faire constater judiciairement l’anéantissement du contrat de prestation de services, comme préalable au prononcé de la caducité du contrat de location financière.
Ainsi, la Cour d’Appel d’Aix en Provence, le 2 avril 2015, décide « qu’il s’agissait d’une seule opération économique avec trois contrats, dont chacun se trouvait de fait, lié aux deux autres, location de matériel, fournitures et abonnement en téléphonie et maintenance de l’ensemble. L’équilibre et l’exécution des trois contrats supposaient que les deux autres coexistent, quelles que soient les clauses de restriction et de prétendue autonomie de chacun, ils restaient interdépendants ».
C’est ainsi que la Cour statue et prononce la résolution du contrat de maintenance (….), et dit que par l’effet de cette résolution et par l’effet de l’interdépendance des contrats, le contrat de location financière en cours est caduc (CA AIX EN PROVENCE, 2 avril 2015, n° 14/07734) (CA BORDEAUX, 30 janvier 2015, n°12/01998).
Par un arrêt du 4 décembre 2014, la Cour d’appel de Lyon a également prononcé la nullité d’un contrat de fourniture de matériel téléphonique, pour défaut de consentement en raison de manœuvres dolosives, et la caducité subséquente du contrat de location financière servant à le financer : « le contrat de fourniture et le contrat de location financière étaient bien interdépendants puisqu’ils étaient concomitants ».
Ainsi, « la nullité du contrat de fourniture entraînait donc bien la caducité du contrat de location financière » (CA LYON, 4 décembre 2014).
Depuis 2013, le contentieux bancaire est abondamment nourri de cette problématique.
Les bailleurs financiers, en cas de location financière, doivent donc prendre garde aux éventuelles clauses d’indépendance figurant dans leurs contrats. Ils ne peuvent manifestement plus s’en prévaloir aujourd’hui !
Sabine VACRATE
Avocat
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