CAUTIONNEMENT DISPROPORTIONNE : QUELS ENGAGEMENTS PRENDRE EN CONSIDERATION DANS LA DEMONSTRATION ?
Sur les 60 000 procédures de liquidation et redressement judiciaires ouvertes chaque année en France, 90% des entreprises concernées sont des TPE et des petites PME de moins de 50 salariés (statistiques ALTARES).
Or, contrairement à la typologie des garanties prises par les créanciers bancaires dans les groupes de sociétés de taille supérieure, la garantie usuellement pratiquée dans les TPE/PME demeure le cautionnement solidaire et personnel du dirigeant de la société qui offre en gage, l’intégralité de son patrimoine et de ses ressources.
Malheureusement, dès que la société est placée en redressement ou liquidation judiciaire, la caution est immédiatement appelée par la banque.
Pour éviter que le dépôt de bilan de l’outil professionnel, ne s’accompagne d’une véritable « banqueroute familiale », le dirigeant doit se défendre pour tenter de neutraliser les poursuites de son créancier sur son patrimoine personnel.
Le grief tiré de la disproportion de l’engagement de caution nourrie un abondant contentieux.
L’article L 341-4 du Code de la consommation, issu de la loi pour l’initiative économique du 1er août 2003, dispose que « le créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée ne permette de faire face à ses obligations».
L’arrêt de principe rendu par la Cour de Cassation le 22 juin 2010, détermine avec précision les contours du concept et de la sanction attachée : la déchéance totale du cautionnement (Cass. com. 22 juin 2010 n° 09-67.814).
Pour autant, la réussite de la défense repose sur une multitude de questions pratiques auxquelles les tribunaux apportent des réponses au gré des décisions rendues.
Lorsque le dirigeant poursuivi est déjà engagé par divers cautionnements en cours au profit d’autres établissements bancaires, quel est le montant qui doit être pris en considération pour être confronté à la valeur de son patrimoine et de ses ressources ?
Cette interrogation, dont l’enjeu pratique est considérable, a été résolue par la jurisprudence : il convient de retenir le montant cumulé des cautions souscrites antérieurement ou concomitamment au cautionnement objet du litige.
La Cour d’Appel d’ORLEANS é décidé le 19 avril 2012 « il y a lieu d’ajouter des cautionnements antérieurs délivrés » (CA ORLEANS, 19 avril 2012 n°11/00693).
La solution résulte de la pure logique économique puisque les autres garanties déjà données par la caution elle-même, participent à l’endettement de celle-ci lorsqu’elles sont antérieures au cautionnement dont la disproportion est invoquée (Cass. com. 12-3-2013 n° 11-29.030) ; Cass. com. 22 mai 2013 n° 11-24.812).
En général, les créanciers bancaires, cherchant à circonscrire le débat au seul montant du cautionnement litigieux, ferons valoir le caractère incertain ou hypothétique des autres cautions qui pourraient ne pas être mises en œuvre.
Mais précisément, la jurisprudence estime que les cautionnements doivent être considérés comme des dettes certaines, liquides et exigibles, dès leur souscription.
L’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 15 janvier 2015 précise ainsi que « pour apprécier le caractère disproportionné de l’engagement de la caution, au moment où celui-ci a été souscrit, le juge doit tenir compte de l’endettement global de la caution, y compris celui résultant des engagements de caution antérieurs qui ont pu être consentis ».
Cet arrêt fort remarqué a le grand mérite d’avoir également statué sur le cas d’une pluralité de cautionnements, souscrits à des dates différentes au profit du même créancier poursuivant.
Le cas échéant, comment le calcul du cumul doit-il être effectué ?
Il faut tenir compte de « l’endettement cumulé que représentaient, à la date de chaque nouveau cautionnement, ceux qui avait été précédemment consentis » (Cass. 1ère, Civ 15 janvier 2015, n° 13-23. 489).
La défense de la caution, fondée sur l’article L 341-4 du Code de la Consommation, exige donc une analyse globale de l’endettement et du patrimoine du garant qui seront confrontés, pour en déduire la disproportion éventuelle.
Mais l’estimation en valeur de chacun des plateaux de la balance est souvent complexe, imbriquant le droit des sûretés et des régimes matrimoniaux.
Après le dépôt de bilan, l’appel de la caution n’est pas une fatalité, consultez un avocat spécialisé pour faire analyser votre situation.
Sabine VACRATE
Avocat
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