A l’occasion de nos précédents billets, nous évoquions le sort du dirigeant qui s’est porté caution personnelle et solidaire auprès du créancier bancaire.
Compte-tenu de la fréquence du recours aux sociétés de caution mutuelle pour garantir les financements des TPE-PME et de l’importance des messages publicitaires délivrés sur internet notamment, notre attention a été retenue par les problématiques liées aux conséquences de l’intervention de ces sociétés de cautions mutuelles sur le cautionnement du chef d’entreprise.
Qu’est-ce qu’une société de caution mutuelle (SCM)?
Les sociétés de caution mutuelle sont des établissements de crédit, en général adossés à de grands groupes financiers, intervenant dans le financement de l’économie.
Certaines sociétés mutuelles offrent leur garantie à plusieurs établissements de crédit, d’autre sont des filiales exclusives de groupes bancaires.
Les professionnels à la recherche de financements, peuvent donc faire appel à trois principaux organismes :
- Pour les artisans : Siagi
- Pour les commerçants : OSEO
- Pour les professionnels libéraux : Interfimo
- D’autres SCM sont spécialisées comme la SOCAMA qui n’intervient que pour les entreprises clientes des Banques populaires et de la BRED.
Comme toute mutuelle, ils fonctionnent sur la base de la solidarité de leurs membres et par la mutualisation des risques de défaillance des entreprises.
Chaque souscripteur contribue à un fonds commun qui sera ensuite utilisé pour rembourser une banque si un emprunteur est défaillant.
Il faut avant tout rappeler que c’est la banque qui bénéficie de la garantie octroyée par la SCM.
Pour cela, l’emprunteur doit réaliser certaines conditions financières mentionnées dans le prêt, au profit de la banque prêteuse.
– l’emprunteur doit acheter des parts sociales du capital de la SCM pour en devenir sociétaire.
– l’emprunteur doit payer une cotisation égale à un pourcentage du montant de l’emprunt qui lui permet de participer au fonds de garantie mutuelle.
– L’emprunteur doit s’acquitter d’une commission de gestion égale à un pourcentage du capital restant dû.
S’installe alors une relation contractuelle triangulaire qui met en évidence le mécanisme de la stipulation pour autrui.
Pour le créancier bancaire, l’avantage est évident : la rapidité de remboursement en cas d’incident de paiement de la part de l’emprunteur puisqu’il est remboursé quasiment immédiatement par le fonds collectif.
Les avantages pour l’emprunteur sont, en revanche, plus obscurs.
En effet, malgré le contenu très attractif des messages publicitaires qui ne cessent de mettre en avant la protection du patrimoine du dirigeant et la limitation, voire, l’absence, des garanties personnelles prises par les banques eà son encontre, le résultat s’avère en pratique moins idyllique lorsque le débiteur principal est défaillant.
Passé l’effet d’annonce et lorsque survient une procédure collective de l’emprunteur, le patrimoine du dirigeant est loin d’être à l’abri des poursuites du créancier bancaire.
Persuadé que la caution personnelle prise par la banque ne sera pas activée puisque la SCM a octroyé sa garantie au prêteur, souvent elle-même contre garantie par le fonds Européen, le dirigeant subi une véritable descente aux enfers.
Les promesses de protection patrimoniale, annoncées sur les sites et les plaquettes ne sont pas tenues et il faut alors résoudre un certain nombre de problématiques qui suscitent peu de réponse des prétoires, tant les solutions sont nébuleuses.
La principale état de savoir si la banque était autorisée à prendre la caution du dirigeant, malgré son engagement de ne pas y procéder ou de manière limitée.
- Le dirigeant a-t-il régularisé sa caution personnelle de manière libre et éclairé, compte-tenu de la foi qu’il avait dans l’intervention de la SCM en cas de défaillance de son entreprise ?
Nous en revenons encore à cette fameuse relation triangulaire.
La réalisation par l’emprunteur des conditions financières permettant l’intervention de la SCM, exigée par le prêteur, ont forcément conduit le dirigeant à penser que la caution de la SCM était une contrepartie de cette relation triangulaire.
Puisque ses propres adhésions au fonds de garantie ont permis à la banque d’obtenir la garantie de la SCM, alors il était en droit de compter sur la protection patrimoniale promise, lui apparaissant comme la juste contrepartie de ses engagements.
D’autant que certaines SCM exigent même que soient satisfaites des conditions impliquant la structure de la société emprunteuse et les engagements du dirigeant:
- Transformation de la société en une autre forme sociale
- Blocage d’un compte-courant d’associé d’un montant substantiel…
Il appartient donc naturellement à la banque de fournir toutes les informations utiles sur l’étendue et le fonctionnement de la garantie octroyée par la SCM et sur les conséquences portant sur la caution personnelle, fournie par le dirigeant.
Malheureusement, en général, ce n’est pas le cas, alors qu’en général, aux termes mêmes de l’acte de prêt, il est stipulé que dans le cadre de l’intervention d’une société de caution mutuelle, l’emprunteur doit avoir été informé de l’existence des statuts prévoyant les conditions d’adhésion et de mise en jeu des garanties.
Dans ces circonstances, les tribunaux doivent contrôler que le consentement du dirigeant a été donné libre et éclairé (CA ORLEANS 6 juin 2013 n° 1201613 ; CA TOULOUSE 8 octobre 2013 n° 1200998 ; Cass. Com 3 décembre 2013 n°12-23976, Cass. Com 23 septembre 2014 n° 13201766).
- La résidence principale du dirigeant est-elle protégée des assauts du créancier bancaire ?
Si, on veut croire les conditions d’intervention, stipulées contractuellement, certaines SCM interdisent au créancier bancaire d’inscrire et de réaliser une hypothèque sur la résidence principale du dirigeant.
Parfois, l’interdiction vise même toute prise de garantie donnée par un tiers, personne physique.
Si l’on veut voir appliquer les règles de la stipulation pour autrui, alors il doit être logiquement conclu que le prêteur a obtenu de la société emprunteuse qu’elle adhère à une société de caution mutuelle, garantissant la bonne fin du crédit, moyennant de ne procéder à aucune inscription sur les biens propres ou communs de son dirigeant.
Or, le cautionnement personnel donné par le dirigeant, se présente comme une telle garantie. C’est dans ces termes que la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE a jugé que ledit cautionnement n’avait pas lieu d’être souscrit (CA AIX EN PROVENCE 9 janvier 2014 n° 11/07530).
De même, si la banque n’était pas autorisée à inscrire une hypothèque sur la résidence principale, pouvait-elle légitimement inclure la valeur du bien dans l’appréciation de la proportion du cautionnement souscrit par le dirigeant au visa de l’article L 341-4 du Code de la Consommation ?
- La dette principale a-t-elle déjà été éteinte par le paiement de la SCM ou le Fonds Européen au moment où le créancier bancaire poursuit la caution personnelle du dirigeant ?
Certaine SCM octroie une caution simple, d’autre une caution solidaire.
Parfois la garantie n’intervient qu’en perte finale, après épuisement des recours du prêteur, tandis que d’autres sont immédiatement déclenchées par le prononcé de la déchéance du terme et implique un règlement immédiat de la créance en souffrance.
La banque doit alors appeler sa SCM qui doit s’exécuter immédiatement avant toute poursuite du débiteur ou de sa caution.
Le Fonds Européen, lorsqu’il garantit la SCM a-t-il déjà réglé 50 % de la créance ?
La question du moment du désintéressement de la banque par la SCM et les modalités de fonctionnement de la garantie est donc impérieuse pour déterminer le sort de la caution du dirigeant.
Mais ces informations ont-elles été portées à la connaissance de l’emprunteur et de son dirigeant au moment de la souscription du financement ?
Sabine VACRATE
Avocat
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